everything is never as it seems.

Le MIT et les bêtes sauvages qu’il abrite me semblait devenir de plus en plus amusant. C’est drôle, de se sentir un peu normal autour de ces monstres capables de vous tuer en une fraction de secondes. Alors je vis chaque jour comme le dernier palapapa, et mon dernier jour, calme il sera, je l’ai décidé. Professeur Xemard a sûrement fait le pire choix de sa vie en m’exilant de la planète anglaise, un peu folle, un peu hypocrite ou je faisais semblant de me sentir bien, mais bon. Les premières personnes à vous enfoncer sont pour moi celles qui voudraient vous aider, et dans ce monde je ne crois pas avoir mon mot à dire. Offenser quelqu’un et ressentir tout le dégout et la haine de cette personne à mon égard ? Très peu pour moi. En ce moment de la nuit, il n’y a que les insomniaques perturbés qui lentement osent errer dans les couloirs, et puis il y a moi, l’avale-sentiments ou le toutou du coin, mais c’est pas grave, je commence à m’y faire, comme toujours. Doucement je hante les allées et l’air industriel frappe mon torse nu, ma chemise déboutonnée ne sert presqu’à rien, c’est pour faire beau. Vainement. Oui parce que si je suis encore humain, j’ai entendu dire que c’est dans la nature de cette drôle de choses de vouloir être beau, de vouloir séduire et attiser les regards. L’humain, c’est le plus épouvantable bidule existant sur Terre, je regrette d’en faire partie. Ouais, moi j’aurais aimé être un écureuil, ou une banane t’en qu’à faire. Le grand salon quel investissement ! Encore je suis exaspéré de voir que l’on construit ce genre de pièce inutile pour des machines à détruire, et qu’on délaisse les enfants pauvres, les enfants normaux, qui encore rêvent d’aller à l’école, c’est hallucinant. Mon regard froid et volontairement méprisant croise celui d’un autre imbécile là-bas, qui à usé de tous ses moyens pour me renverser du café à la cafeteria. Ce genre de spécimen hyperactif ne devrait même pas toucher à la caféine. J’ai presque envie de faire demi-tour, mais non, je pars me caler dans un coin et tente avec peine d’entrer dans une méditation inutile.

Tout le monde est à présent au courant dans l'école, Enaël c'est la catastrophe ambulante des élèves, celui qui trébuche avec ses propres pieds, qui sors les mauvaises phrases au mauvais moment ou encore qui renverse ses cafés sur les autres. Pas plus tard qu'hier, sa maladresse à de nouveau fait des siennes et voilà que le malheureux fautif se présente à quelques mètres de lui. N'importe quelle personne lambda serait allée s'excuser, mais il faut croire qu'Enaël n'est pas vraiment lambda vu qu'un grand sourire amusé vient se loger sur ses lèvres, exactement comme un gosse qui vient de faire une connerie et qui est fier de lui ou quand il s'amuse à faire peur à tout le monde sans raisons, juste grâce à sa capacité qu'il maitrise à peine, mais peu importe puisque ça le fait rire. D'un bond il se lève pour se diriger avec son entrain habituel -un entrain d'hyperactif en clair- vers celui que l'on appelle Médor, lui-même ne connait pas son réel prénom. Sans demander la moindre permission, il se met en tailleur face à lui avec pour seule compagnie son sourire un peu idiot.
- Eh, tu fais toujours la gueule ? Faut pas m'en vouloir tu sais, je suis pas un méchant moi hein !
Pas une seule seconde il se doute d'avoir une mauvaise réaction, Enaël c'est un naïf quand il s'y met alors il s'attend presque à devenir super pote avec l'inconnu dans la seconde qui suit et puis au pire, il l'invitera à boire un coup dans sa chambre Gotam pour détendre l'ambiance, ça ne peut que marcher après tout.

J’me souviens de lui, cet imbécile dépourvu d’adresse. J’me souviens de tout et j’aurais préféré ne pas m’en souvenir, pour dire vrai. En fait, sa présence ne dérange pas tant que ça, il n’est rien d’autre qu’un petit être qui se meut, plus difficilement que les autres en tout cas. Tant qu’il ne bouge pas et reste silencieux comme un mur, je recalerais sûrement mes pensées meurtrières. J’ai pas la force de tuer quelqu’un, putain j’suis qu’un handicapé. J’me tuerais sûrement avec, j’en sais rien, alors vaut mieux ne pas tenter. « eh » Sursaut, reculons. Mais qu’est-ce qu’il fout devant moi ce malade mental ? « Tu fais toujours la gueule ? Faut pas m'en vouloir tu sais, je suis pas un méchant moi hein ! » Lentement je lève mes yeux, avec mépris peut-être, ou juste que je suis un peu désintéressé, agacé. Le monde m’agace, le MIT m’agace. Et ce débile là aussi un peu peut-être. Je suis concentré sur mes gestes, sur les émotions du bonhomme et il s’ennuie un peu, ça se sent. Alors il trotte, il trotte comme un cheval à la recherche d’un passe-temps nocturne. Ça risque pas d’être moi, en tout cas. Je suis plus une torture qu’un passe-temps. Il me prend pour une fleur, un Bisounours, je peux le sentir. Stupide. « Tu ferais mieux d’te barrer avec ta dégaine de Playmobil. » Il s’y attendait pas c’est clair. Malheureusement pour moi, je suis pas trop du genre prévisible, les gens ont tendance à faire l’inverse de ce que je veux, l’inverse de ce que je leur demande. « Avant que j’décide de t’arracher la tête. » Mensonge, mensonge. Je ferais sûrement pas ça, je suis pas Dieu pour décider de qui meurt ou pas. J’ai pas assez de force aussi, je suis trop maigre. Et puis, ça risque pas de me faire un bien fou. « J’irais pas jusqu’à dire que je fais toujours la gueule, mais j’irais pas dire que je meurs d’envie de te parler non plus.» C’est froid, mais ça me paraît un peu trop doux. « Ce sont vos âmes qui m’exaspèrent, en fait. » J’ai jamais autant parlé depuis que je suis dans cette prison à monstres. Et j’aime pas ça, parler, ça m’fatigue. Il me ferait un grand plaisir de repartir s’asseoir dans son coin.

« Et si moi j’ai envie de te parler on fait comment ? Peut-être que mon âme n’est pas comme celle des autres non ? » Son âme, ouais. Elle doit être bien mieux que celles que j’ai croisé. Je sais pas comment il s’appelle – du moins pas encore, quoique j’ai pas très envie de savoir – mais il est tellement ignorant de la vie, que son âme demeure sainte, vierge d’hypocrisie. Il m’arrache un sourire avec ses questions un peu tirées par les cheveux, avec son sourire collée comme un chewing-gum dans les cheveux. Il peut me parler, si ça lui chante, j’arrêterais sûrement pas de le menacer, mais c’est clair que je pourrais rien faire de mes muscles inexistants, de mon corps sous-nourri. Alors on en restera là, tant qu’il me touche pas. « J’m’appelle Enaël, et toi l’inconnu râleur ? » Mon regard méprisant revient à la charge, faudrait pas qu’il croit que je vais pactiser avec lui. Je regarde ailleurs, tente vainement de détourner mes pensées, effacer ses lèvres ridiculement tendue. « Alors ? » Mes sourcils se froncent, inconsciemment alors que mes yeux reviennent vers lui. J’ai envie de lui faire un mal, un mal physique, une douleur dont il se souviendra toute sa vie, oui parce qu’il m’agace là, il me perturbe. Mais j’en suis pas capable, alors je fais que le regarder alors que ses yeux insistent sur moi. Des fois, j’aimerais bien être un monstre moi aussi. « Tu peux m’appeler l’inconnu râleur, j’pense que ça m’va bien. » J’ai surtout pas en tête de faire les présentations, ça fait trop film, ou livre. C’est pas mon genre, de dire Cerbère, c’est trop moche comme prénom, c’est trop moi. C’est comme si j’me livrais. Bref. « Tu ferais mieux d’te barrer, sérieusement, je risque de te salir. » Te salir à l’âme.

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