Tu sors de ton lit, la tête aussi embuée que la salle de bain à cette heure-ci. Il faut dire que c'est le week-end, alors tout le monde va à la douche à onze heures, toi le premier. Tu te lève d'un bond en jetant un coup d'oeil rapide à Clément sur le lit d'à côté qui dort encore comme un loir à cette heure-ci. C'est avec la délicatesse d'u éléphant endormi que tu te dirige vers la sortie de la chambre en manquant de trébucher à chaque coin de meuble, mais tu parviens quand même à rejoindre le couloir. Pour une fois tu as eu de la chance en ce qui concerne le choix des chambres puisque la tienne se tient à quelques mètres seulement des douches communes qui te semblent pourtant être une éternité vu ton état de fatigue. La journée était bien partie pour mal commencer, mais juste avant qu'arrive le moment de râler, tu croises le regard d'Iska. Cette belle insolente qui prends un malin plaisir à être distante quand vous êtes en public alors que tout est différent pendant les moments passés seuls. T'es du genre à être facilement amusé alors ça te dérange pas tant que ça, mais l'envie de la provoquer reste plus forte que tout. Tu observes rapidement la salle de bain, il y a quelques personnes mais aucune de connue ou de vraiment proche. Un sourire s'étire au coin de tes lèvres puis tu t'approches enfin de la blonde en prenant le soin de parler assez fort pour que les autres entendent un minimum.

- T'es juste de mauvais poil ou tu me fais pas de câlin parce qu'il y a du monde ?

Tu es presque sûr qu'elle va s'énerver, mais ce n'est pas le genre qui t’impressionne, ça t'amuse plus qu'autre chose généralement.

Ce matin j'étais décidé, j'allais réussir à avoir une journée parfaite. Sans vague, réussissant tous les exercices qu'on me demande de faire, en faisant même un peu trop, ne pas croiser des personnes que je ne souhaite pas croiser, et tout ira bien. Une journée parfaite, ouais, où je croiserais Ellie pour lui raconter ma dernière idée complètement folle, parce qu'il pourra m'aider, évidemment. Je passe à la douche, et sort presque entièrement habillée, avec un simple débardeur et un short. Je finirais tout ça dans ma chambre, parce que les douches sont toujours complètement pleine le matin, c'est assez affolant. Mon regard croise celui d'Enaël, mais je ne fais comme si de rien. Si nous avions été seul, je me serais approché et j'aurais poser quelques baisers dans sa nuque, en guise de bon réveil à lui offrir, mais pas là, pas alors qu'il y a des gens pas loin. Il s'approche, et se met à parler, quelque chose que je n'apprécie pas. « T'es juste de mauvais poil ou tu me fais pas de câlin parce qu'il y a du monde ? », je le regarde, presque bouche bée. Comment ose-t-il me faire ça ? Il a limite crier en plus. Il me cherche vraiment celui là. Je le bouscule en lui faisais des gros yeux, sauf que forcément.. il a fait exprès, alors ça l'amuse plus qu'autre chose. « J'te fais pas de câlin parce que j'ai pas que ça à faire », trou du cul, va. Cherche moi encore, essaie pour voir. « et puis tu sais bien que ça, c'est dans tes rêves. », un sourire aux lèvres hypocrite et provocateur, voilà ce qu'il mérite.

Il faudrait qu'un professionnel se penche sérieusement sur le cas des filles en général, certaines sont tellement compliquées que c'est un coup à devenir gay. Les mecs sont francs au moins, puis il y a Iska qui change du tout au tout suivant le monde qu'il y a autour de vous. Beaucoup de personnes seraient vexées d'un tel comportement, mais il faut croire qu'Enaël est tellement enfantin que ça l'amuse plus qu'autre chose, c'est un nouveau passe-temps et puis la provocation est bien souvent sa meilleure amie, parfois plus pour se faire remarquer qu'autre chose vu qu'il ne trouve pas toujours le moyen de le faire grâce à sa méga-intelligence.

- J'te fais pas de câlin parce que j'ai pas que ça à faire.

Un coup d'oeil à la file d'attente pour les douches lui confirme qu'effectivement, elle a du temps à perdre, elle n'est pas prête à rentrer et Enaël non plus d'ailleurs, il a tout le temps devant lui.

- et puis tu sais bien que ça, c'est dans tes rêves.

Le rire d'Enaël manque d'éclater dans la pièce, mais il se retient à la place son sourire s'élargit dans un air d'imbécile heureux.

- Tu dis pas ça quand on est ensembles, là tu le fais le câlin et sans râler en plus.

Au fond peu importe la réaction d'Iska à présent, il a gagné puisque certaines personnes se sont retournées sur eux en écoutant la fin de la conversation. Pourtant quelque chose lui dit que l'histoire ne va pas se terminer aussi facilement.

Je vois son regard dévié sur la file d'attente des douches. Bah ouais, il est content, les gens présents ont pu entendre sa connerie. Il aurait quand même pu être plus discret et me le faire remarquer tranquillement, alors que nous aurions été seuls. Non.. non, ça n'aurais pas été assez drôle de faire ça. Le hurler devant tout le monde et me mettre dans une situation embarrassante, c'est tellement plus marrant. Il continu, encore et toujours, alors que la colère monte. « Tu dis pas ça quand on est ensembles, là tu le fais le câlin et sans râler en plus. », je le regarde, les yeux noirs de colère. Sérieusement ? Le pire c'est que c'est de bon matin en plus, il venait simplement de ruiner ma journée. « C'est bon ta gueule Enaël. », j'avais été froide, mais c'était voulu. Pour qui il se prenait ? Je ne tenais pas à.. ce genre de spectacle. Je regardais les affaires qu'il avait dans sa main et les faisait voler d'un revers de main à l'autre bout du couloir, sans vraiment faire attention à la force que j'y avais mise ni même à la destination finale de ses dits objets. Je lui en voulais, mais pas seulement aujourd'hui. Étant rancunière, je savais qu'avant de lui pardonner ça, il allait en chier, et tant pis pour nous si nous perdons cette relation étrange, ça sera de sa faute. Il devra pas trop lutter à me remplacer de toute façon. « Cherches moi encore et le prochain que je fais voler, c'est toi. » sèche, froide, on pourra pas dire que je n'avais pas prévenu.  

Comme prévu, Enaël a réussi à la mettre hors d'elle, à cet instant il est persuadé que sa seule envie est de l'étrangler pour le voir mourir dans d'atroces souffrances. N'importe quelle personne censée se serait calmée, mais il faut croire qu'Enaël n'est pas vraiment une personne ordinaire puisque la situation l'amuse plus qu'autre chose. La preuve réside dans son sourire qui se transforme progressivement en rire enfantin.

- C'est bon ta gueule Enaël.

Il lève les yeux au ciel avec un air désespéré, il faut dire qu'elle a de l'espoir Iska en lui donnant des ordres, le gamin n'est pas du genre soumis. Il n'a pas le temps de dire ouf que déjà ses affaires viennent s'écraser contre le mur à l'autre bout du couloir.

- Mes affaires Iska, putain !

Malgré son grognement, il jette un simple regard à ses affaires éparpillées sur le sol. Inconscient, mais pas fou, dans ces moments là il ne tient pas à tourner le dos à Iska, on ne sait jamais.

- Cherches moi encore et le prochain que je fais voler, c'est toi.

Son pressentiment est donc le bon, Enaël lâche un rire, en partie pour cacher la tension présente dans la pièce. Il fait agir sa capacité sur Iska quelques secondes, le temps pour lui de monter sur un lavabo en s'accrochant discrètement au tuyau, par simple prudence. Il relâche instantanément la peur et profite de sa main libre pour sortir un bout de papier et montrer un message de l'intéressée réclamant un câlin à sa voisine de lavabo qui n'est rien d'autre qu'une vulgaire inconnue. C'est avec un grand sourire qu'il se tourne à nouveau vers Iska.

- Tu vas me faire quoi maintenant ? A part assumer, je veux dire.

Il se plains pour ses affaires mais je m'en fous royalement. Il m'avais cherché, alors qu'il ne gueule pas une fois que je me met en colère. Dès le matin en plus, c'était salaud. Il le savait, de toute façon. Il rigole, sauf que moi ça ne m'amuse pas. Je vois les gens autour serrer un peu plus leurs affaires et tenter de se reculer discrètement de moi, et ça m'énerve encore plus. Je le vois, et d'un coup je le sens. Je sens qu'il use de sa capacité sur moi, et je me met à paniquer. Ça ne dure pas longtemps, mais assez pour me mettre encore plus en rogne. Enfin, la peur a quand même dissipé ça, mais je lui en veux d'avoir été jusque là, bien que je l'ai fais moi aussi. Une fois libérée de son emprise, je le trouve sur le lavabo, montrant un mot à une fille. Je soupire, plutôt de colère qu'autre chose. Je connais ce mot, bien sur que je le connais bien. Je lui avais laissé à une soirée pour me rejoindre dans l'une des chambres, qu'on passe un moment devant un film. Faut dire aussi que la soirée était à chier. Le mot ne m'aurais pas gênée si les mots « être dans tes bras » n'y figurais pas. « Tu vas me faire quoi maintenant ? A part assumer, je veux dire. », bon sang, faut que je réfléchisse. Et plus vite que ça. Tout le monde me regarde, comme si je m’apprêtais à faire la chose la plus abominable du siècle. Je sais que certains d'entre eux seront prêt à me stopper. Non pas parce qu'il tienne à Enaël, mais parce qu'ils tiennent assez à eux même pour ne pas avoir envie que ce soit le bordel. Je le regarde, et prends sur moi. J'ai une idée. Une idée complètement merdeuse, mais c'est une idée. Un sourire en coin, et je m'approche de lui, rapidement, décidée. « tu veux que j'assume ? », je fais un mouvement de tête comme pour dire « okay, j'assume. », j'avance encore jusqu'à être toute proche, vraiment proche. Là, d'un coup, sans prévenir, une de mes mains passe dans sa nuque et je l'embrasse avec fougue. Comme si toute ma colère se répandais dans ce baiser. Comme si j'en avais envie, vraiment envie. Après tout, peut-être que c'était le cas. Ou peut-être pas. Avec tous ses mutants dans la pièce, l'un d'entre eux savait forcément ce que j'avais derrière la tête, mais je m'en moquais. Je défais doucement mes lèvres des siennes, laissant glisser ma main le long de son cou, murmurant d'une voix douce, presque sensuelle contre ses lèvres : « j'peux pas te faire bouger mais.. t'oublie que je peux faire venir les objets à toi.. », un petit sourire en coin, un sourire fier, un sourire qui signifie que j'ai gagné, et je me recule rapidement, me préparant à déplacer tous les objets assez léger pour que je puisse les faire bouger mais assez lourd pour que ça lui fasse un minimum mal.   

Il a bien conscience de l'état d'énervement de la blonde, Enaël mais d'abord ça l'amuse puis surtout il a envie qu'elle assume en public leur proximité, une bonne fois pour toutes. Il ne passe pas par quatre chemins pour la mettre devant le fait accompli et vu le nombre d'élèves dans la pièce, la nouvelle va se répandre en une ou deux journées au maximum. Peu importe ce qu'elle a fat, il a atteint son but, elle ne pourra plus nier après ça.

- Tu veux que j'assume ?

Il hoche simplement la tête en signe d'approbation, c'est ce qu'il attends depuis le début mais il se demande quand même ce qu'elle a en tête. Quelques secondes, pas le temps de dire ouf que la voilà quasiment collé à lui. Pour le coup, elle le surprend vraiment et voilà qu'Enaël attends sagement la suite des événements, les sourcils froncés sous l'incompréhension. Encore une fois ça ne se fait pas attendre puisqu'elle se met à l'embrasser avec une fougue surprenante venant d'elle. Choqué, le gamin ne réagit pas du tout, mais il finit par trouver la force de retirer son visage.

- Qu'est-ce que tu fou ?!

Ce n'est pas un saint, c'est certain mais Iska.. Elle le prend au dépourvu et il n'a pas l'habitude d'embrasser les personnes qu'il apprécie amicalement.

- J'peux pas te faire bouger mais.. t'oublie que je peux faire venir les objets à toi..

Enaël observe en quelques secondes les objets en lévitation, rien de coupant ni de blessant, mais si une personne est capable de lire les sentiments dans la pièce, il distinguera sûrement de la peur dissimulée. Pas le temps de fuir, avec sa maladresse il s'étalerait au sol alors il ferme les yeux et il attends, dix secondes puis trente. Rien, à part un bruit sourd. Les objets explosent, les uns après les autres grâce à un spectateur. Enaël en profite pour se relever et se mettre face à Iska, puisqu'il n'est plus en danger.

- Toi t'es vraiment tarée.

Voilà que l'amusement se transforme en tension des deux côtés. Il s'en serait sorti sans l'aide de l'inconnu, mais il lui adresse un rapide regard de remerciement avant de se retourner vers la coupable. Il s'assure sur touts les objets capables d'être projetés soient en lambeaux, puis il use à son tour de sa capacité. Quelques secondes, rien de plus, juste une petite vengeance méritée.

- Ne recommence plus, compris ?

Un soupir s'échappe puis il repart chercher ses affaires toujours éparpillées. La douche dans la bonne humeur attendra.

À vrai dire, j'étais le genre de fille qui pensais qu'on avait qu'une seule vie. Certains appelait ça « une pute », moi je pense juste que j'ai assez de courage pour faire ce que personne ne peut faire. Alors je profite, parce que je sais que si je ne le fais pas maintenant, quand est-ce que je pourrais le faire ? Et qu'importe le nombre de fois où on me dira non, il y aura toujours des oui pour contre balancé. C'est grâce à cette manière de penser que je peux embrasser n'importe qui sans arrière pensé, que je peux même coucher avec des personnes, simplement par amitié, et un peu d'attirance. C'est grâce à ça que j'ai des relations si proches avec des gens tels que Nadia, Ana ou bien même Chaz. Enaël aussi, avait le droit à ça. Mais j'avais une fierté trop forte pour l'assumer devant tout le monde, bien évidemment. Et puis, qu'est-ce que ça faisais de toute façon ? Notre relation ne regardais que nous deux. Qui d'autre était concerné ? Personne. Juste nous. « Toi t'es vraiment tarée. », c'est lui qui m'agresse dès le matin et c'est moi la tarée ? Je le déteste ce type. Il aurait pas pu garder notre relation pour nous ? Qu'est ce que ça lui faisais que tout le monde le sache ? C'était une manière de dire « hey, j'ai une autre fille dans ma poche les mecs, regardez » ? c'était quoi le problème ? Quel con. Il me rattrape alors que je suis le couloir pour rejoindre ma chambre. Tant pis pour la douche, j'attendrais encore une bonne heure avant d'y aller. On dis merci Enaël, c'est ça ? Je soupire à cette pensée. Il me rattrape et je sens la peur monter en moi. Rien qu'un instant, un petit instant. Un instant de trop. « Ne recommence plus, compris ? ». Avant qu'il puisse repartir, ma main part. Ma main part sous forme de poing, violent, incontrôlé. La colère est monté trop vite, j'étais trop en colère pour rester passive, et puisque les objets ne pouvaient rien contre lui, qui aurait pu arrêter ma main ? Mon poing, en l'occurrence. « Va te faire foutre Enaël. »  Je lui en voulais vraiment, j'avais l'impression d'avoir été faible devant tout le monde. Être faible. Rien que le mot me donnait envie de vomir. Je détestais être ou juste avoir l'impression d'être faible devant qui que ce soit, alors devant des tas d'étudiants.. il m'avait vraiment poussé à bout. Peut-être que la rancune s'en ira, après des excuses. Peut-être qu'il ne comprendra pas non plus. Tant pis. Je tournais les talons et allait vers ma chambre. Je pourrais avoir n'importe quelle punition que je m'en moquais. Du moment que j'avais réussi à lui faire mal autant qu'il avait touché ma fierté.